Une étude dirigée par le Prof. Roi Holzman et réalisée par la doctorante Corrine Jacobs de l'École de zoologie et du Musée d'histoire naturelle Steinhardt de l'Université de Tel-Aviv, montre pour la première fois comment un mécanisme de ressort de la colonne vertébrale des hippocampes, nageurs les plus lents de l’océan, leur permet d’en être aussi les chasseurs les plus rapides.
L’étude, menée à l'Institut interuniversitaire des Sciences de la mer d’Eilat, a été publiée dans la revue Journal of Experimental Biology.
Les hippocampes, expliquent les chercheurs, sont des poissons qui possèdent des propriétés particulières telles que la «grossesse» masculine, les vertèbres carrées de leur queue et, bien sûr, leur mode d’alimentation particulier. Pendant la majeure partie de la journée, ils sont attachés par leur queue préhensile à une algue ou un corail, la tête inclinée vers le bas, près de leur corps. Cependant, dès qu’ils détectent une proie passant au-dessus d'eux, ils relèvent leur tête à la vitesse incroyable de deux millièmes de seconde, et la capturent en l’aspirant par leur bouche tubulaire qui génère un puissant courant d'eau, à la manière d’une paille. Selon le Prof. Holzman, les hippocampes, lorsqu'ils chassent, transforment leur corps en une sorte de ressort : à l’aide des muscles de leur dos, ils étirent un tendon élastique et utilisent les os de leur cou comme une « queue de détente », à l’instar d’une arbalète. Le résultat est plus rapide que la contraction musculaire la plus rapide existant dans le monde animal.
Comme une arbalète
Cependant, jusqu'à présent, on ne savait pas vraiment comment ce mécanisme permettait aux hippocampes d’ingérer véritablement leur nourriture. Comme le savent tous ceux qui ont essayé de retirer une mouche d'une tasse de thé, l'eau est un milieu visqueux et l’animal doit ouvrir la bouche afin de créer un flux pour aspirer sa proie. Mais comment les hippocampes coordonnent-ils ce mouvement d’aspiration avec celui de leur tête ?
Dans leur étude, les chercheurs de l'Université de Tel-Aviv ont réussi à caractériser et à quantifier précisément le mouvement des hippocampes en photographiant leurs attaques à une vitesse de 4 000 images par seconde, et en utilisant un système laser permettant de visualiser les flux d'eau. Ils ont ainsi pu constater que le fameux système d’« arbalète » servait à deux fins : faciliter le mouvement de la tête et générer un flux d'aspiration à grande vitesse, 10 fois plus rapide que celui des poissons de taille similaire. Ces avantages permettent aux hippocampes d'attraper des proies particulièrement insaisissables.
Cette nouvelle quantification du mouvement des hippocampes permet également d’expliquer la morphologie de leurs diverses espèces, qui se distinguent les unes des autres par la longueur de leur nez. « Notre étude montre que la longueur du nez de l’hippocampe détermine la vitesse du mouvement de sa tête et celle du flux d'aspiration », ajoute le Prof. Holzman. « Du point de vue de l’évolution, les hippocampes doivent « choisir » entre un nez court permettant une forte aspiration et mouvement de tête modérément rapide, ou un nez long pour un mouvement de tête rapide mais une puissance d'aspiration plus faible. Ce choix correspond bien sûr aux proies disponibles : les espèces à long nez attrapent des crustacés plus petits et plus rapides tandis que celles à nez court peuvent capturer des proies plus lourdes et moins agiles ».
L'évolution du mécanisme de ressort
Selon le Prof. Holzman, les hippocampes ne présentent pas le seul exemple de cet impressionnant mécanisme de ressort. Ils font partie de la famille des poissons « excentriques » (Misfit Fish), comprenant des espèces telles que les syngnathes (hippocampes « droits), les poissons-canifs, les poissons-crevettes et les poissons-flutes ou poissons-cornets.
« Ces poissons sont appelés ainsi en raison de leur forme étrange qui permet l’étirement de leur corps en un ressort. La grande question concerne l'évolution de ce mécanisme de ressort, comment il s'est formé et quand s'est-il développé. J'espère que notre étude en mènera vers d'autres qui aideront à résoudre l'énigme de ces ‘poissons à ressort’ ».
Photos :
1. Un hippocampe à nez court accroché à un corail dans la mer Rouge (Crédit : Gil Koplovitz).
2. Un hippocampe (Crédit : Ori Galili)
3. Le Prof. Roi Holzman (Crédit : Université de Tel-Aviv).