Un modèle de l’Université de Tel-Aviv prédit les changements de comportement des animaux suite au changement climatique attendu d'ici la fin du siècle

Le Dr. Ofir Levy et le post-doctorant Gavin Stark de l'École de zoologie et du Musée d'histoire naturelle Steinhardt de l'Université de Tel- Aviv, ont développé un modèle informatique qui prédit les changements de comportement des animaux en fonction des changements attendus du climat et des habitats dans lesquels ils vivent. L'étude, menée à partir de lézards répandus dans les déserts en Israël, prévoit qu’en raison de l'augmentation de la température attendue jusqu'à la fin du siècle (plus de 6,5 degrés), ceux-ci minimiseront leur activité durant l'été, nuisant ainsi à leur nutrition et à leur reproduction, et peut-être même à la survie de l’espèce. Selon les chercheurs, ce modèle peut être adapté à une variété d'animaux et de zones géographiques, et constituer un outil important dans l'effort pour la conservation des habitats et micro-habitats.

Ofir levy Gavin StarkL’étude, réalisée en collaboration avec des chercheurs de l'Académie chinoise des sciences de Pékin et de l'Université Princeton aux États-Unis, a été publiée dans la revue Global Change Biology.

Des conditions naturelles déjà extrêmes aujourd'hui

« La perte de biodiversité dans notre monde est un phénomène qui ne cesse de s'aggraver et de s'étendre », explique Gavin Stark. « Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les populations animales dans le monde ont diminué de 69 % en moyenne entre 1970 à 2018, et près de 30 % des espèces de mammifères, environ 25 % des espèces d'oiseaux et de reptiles et environ 40 % des espèces d'amphibiens sont actuellement en danger d'extinction. Ce phénomène a deux causes principals. Tout d’abord les modifications climatiques, comme les fréquentes vagues de chaleur et/ou de froid et le réchauffement global en général, qui rend difficile la survie de nombreuses espèces. Deuxièmement, la destruction des habitats par l'homme, lors de la construction des villes, l’extraction des minerais, l’abattage des arbres, etc. »

Dans l'étude actuelle, les chercheurs ont voulu vérifier dans quelle mesure les changements climatiques et la destruction de l'habitat augmentent la pression sur les animaux vivant dans leur milieu naturel, et influencent leur comportement et leurs chances de survie. Pour cela, ils ont choisi de se concentrer sur un petit lézard tâcheté (du nom scientifique de Mesalina guttulata) vivant dans le désert de Judée, région où les conditions de vie extrêmes en soi, poussent déjà les animaux jusqu’à la limite de leurs capacités. Les espèces qui vivent dans cette zone, y compris le petit lézard tâcheté, ont réussi à s'adapter à des conditions difficiles, par exemple la température du sol de 60 à 70 degrés en été, en transferrant le gros de leurs activités vers des micro-habitats ombragés.

Lezards 1

« Les lézards ont le sang froid », explique le Dr. Ofir Lévy. « Ils ont donc besoin de la température ambiante pour réguler leur chaleur corporelle. Dans le désert, ils sortent généralement à l'air libre pour s'imprégner des rayons du soleil, puis se réfugient à l'ombre des rochers et des buissons pour se rafraîchir et équilibrer la température de leur corps. Cette conduite est appelée comportement thermorégulateur. Nous avons cherché à examiner si ce comportement changerait dans les décennies à venir, lorsque les températures augmenteront en raison du réchauffement global, et que les conditions de vie dans le désert deviendront encore plus extremes, et si oui, de quelle manière.

L'importance des micro-habitats

Pour ce faire, les chercheurs ont collecté des lézards dans le désert et les ont ramenés au laboratoire de l'Ecole de zoologie de l'Université de Tel-Aviv, où ils les ont exposés à des conditions variables, enregistrant leurs préférences et leur comportement thermorégulateur. En parallèle, ils ont placé des stations météorologiques mobiles dans le désert pour mesurer les données environnementales, en mettant l'accent sur les micro-habitats sous les rochers et buissons, où les lézards trouvent de l’ombre à l’abri des rayons du soleil.

« Contrairement aux études précédentes qui ne prenaient en compte que la distinction de base soleil /ombre, notre étude ajoute de nouvelles informations critiques : le type d'abri ( buisson ou rocher) et sa taille, grande, moyenne ou petite », explique Gavin Stark. « Par exemple, nous avons constaté qu'en été, pendant les heures les plus chaudes, les lézards préfèrent se cacher sous de gros rochers, ce qui peut s'expliquer par la température relativement fraiche qu’ils y trouvent, car les gros rochers se réchauffent et se refroidissent plus lentement. De leur côté, les buissons présentent toute une série d'avantages importants pour le lézard : en plus de l'ombre, ils lui fournissent de la nourriture car ils constituent un habitat pour les insects. De plus, leurs racines créent des terriers qui leurs servent d'abri contre les prédateurs, et pendant la nuit ».

Lezards 2

Toutes les données recueillies en laboratoire et sur le terrain, ainsi que des modèles internationaux prévoyant les températures futures, ont été saisies à l’intérieur d’un modèle informatique biophysique développé spécifiquement pour l'étude, qui applique des équations physiques aux données biologiques. A partir de ce modèle, des prédictions détaillées ont été obtenues concernant les choix et les comportements des lézards dans des conditions changeantes, sur une période allant d'aujourd'hui jusqu’à l’année 2100.

Un changement radical de comportement

« Selon nos conclusions, le comportement de cette espèce de lézard devrait changer radicalement suite à l’augmentation prévue de la temperature, de 6,5 degrés en moyenne en été et de 4,9 degrés en moyenne en hiver jusqu'à la fin du 21e siècle », explique Gavin Stark. « Aujourd'hui, les lézards sont actifs toute l'année, avec des ajustements aux différentes saisons, mais dans l'avenir, ils devraient réduire considérablement leur activité en été, lorsque les températures seront trop élevées même sous les gros rochers, et que la végétation risque d’être considérablement réduite. A partir de ce moment-là, ils resteront principalement dans leurs terriers, et n'en sortiront que pour peu de temps, tôt le matin, pour trouver de la nourriture. Cette situation créera un réel danger qu'ils ne puissent pas trouver suffisamment de nourriture en raison des différences d'heures d'activité entre eux et leurs proies (principalement les fourmis et les termites). L'activité principale des lézards passera donc sur la saison hivernale qui sera plus tiède, mais lors de cette saison on s'attend également à un changement de leur comportement. Le modèle a constaté qu'en hiver, ils préféreront rester en terrain ouvert pour se réchauffer et ne se cacheront que pendant une courte période sous de petits rochers et buissons qui fournissent un microclimat à une temperature relativement élevé, alors que les gros rochers seront trop froids pour eux. Ces modifications de leur comportement thermorégulateur réduiront considérablement les possibilités des lézards de trouver de la nourriture et de se reproduire, et pourront même conduire à l'extinction de l’espèce.

Le Dr. Levy conclut : « Nous avons construit un modèle informatique spécifique qui examine les conditions d’une variété de micro-habitats en les comparant, et prédit des changements dans les comportements du lézard que nous avons suivi, à la suite du réchauffement du climat et à la perte de leur habitat (en particulier les buissons) jusqu'à la fin du siècle actuel. Nous estimons que ces changements de comportement sont susceptibles de mettre en danger l’alimentation et la reproduction des lézards, et causer des dommages importants à leur population sur le plan local et national. Notre modèle permet d’examiner quels micro-habitats sont importants à préserver afin de prévenir de tels dommages, et d’identifier ceux qui ne sont pas importants aujourd'hui mais peuvent devenir critiques dans l'avenir, en particulier dans les zones aux conditions extrêmes. Il est important de noter que ce modèle peut être utilisé comme base pour en développer d’autres pour différentes régions du monde, avec un climat tempéré ou tropical par exemple, et pour les animaux de toutes sortes, tels que les mammifères, les oiseaux, les amphibiens et les insectes.

 

Photos:

1. Le Dr. Ofir Levy (à gauche) et le Dr. Gavin Stark (Crédit: Université de Tel-Aviv)

2. 3.  Lézards du désert de Judée (Crédit: Simon Jamison)

 

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