Le doctorant Ran Pelta, du laboratoire de télédétection du Prof. Eyal Ben-Dor, à la Faculté des Sciences de la Terre et de l'Environnement de l'Université de Tel-Aviv a développé un capteur capable d'identifier à distance divers types de pollution au sol rapidement et facilement. Placé sur un drone ou même un satellite, il pourra aider à accélérer la réhabilitation de l'environnement, réduire les risques pour la santé liés à la pollution et économiser de l'argent.
L'étude a été présentée lors de la 47ème Conférence annuelle sur la science et l'environnement qui s'est tenue cet été à l'Université de Tel-Aviv.
"Le pétrole est l'un des polluants les plus répandus dans le monde", relève Ran Pelta. "On peut retrouver des traces de la pollution qu'il occasionne transportées par l'activité humaine dans presque tous les systèmes écologiques, terrestres ou maritimes. Il altère l'activité enzymatique, bouche les pores et empêche le passage de l'eau et de l'air à travers le sol. Les personnes habitant près des raffineries ou travaillant dans le nettoyage de la pollution par les hydrocarbures souffrent de divers problèmes de santé, allant d’irritations cutanées aux lésions du foie et des reins".
Un spectre de couleurs inaccessible pour l'oeil humain
Le traitement des dommages causés par les hydrocarbures fait l'objet de nombreuses recherches. Les solutions chimiques mises en pratique au fil des ans sont coûteuses, peu efficaces et nuisibles pour l'environnement. Les méthodes de traitement des sols par des bactéries qui effectuent une biodégradation des matériaux néfastes présentent de nombreux avantages (respect de l'environnement, absence de produits chimiques, plus d'efficacité et coût moindre). Cependant le principal obstacle reste tout simplement la difficulté à localiser exactement le polluant.
Utilisant la technologie de télédétection, la méthode mise au point par Ran Pelta, a pour objectif de trouver la solution à ce problème: la détection rapide et efficace de la pollution. "La télédétection existe depuis longtemps, mais ce n’est que récemment que des progrès significatifs réalisés en matière de capteurs ont permis de rendre la technologie accessible", explique-t-il.
La méthode fonctionne comme suit: le rayonnement solaire est en partie réfléchi par les différents objets qu'il atteint (végétation, eau, sols etc.), et renvoyé vers le capteur qui l'absorbe. Celui-ci contient des composants qui divisent le rayonnement réfléchi en longueurs d'onde spécifiques. Chaque objet possède une courbe décrivant ses couleurs de retour d’onde, appelée spectre, sorte de 'signature' qui permet, sans même voir l’objet, de comprendre s’il s’agit de sol ou de végétation, et de quel type. Ces capteurs utilisent une gamme de couleurs dépassant largement celui de la lumière visible détectable par l'oeil, qui leur permet de recevoir des informations qui ne sont pas accessibles pour les humains mais décodables par des algorithmes.
L'étude de Ran Pelta, qui a pour but de développer les capacités de détection de la pollution par les hydrocarbures à travers des mécanismes de télédétection en Israël (avec des implications pour d’autres zones), est partie principalement de l'analyse de trois types de sols : ceux de la réserve naturelle d'Evrona dans la vallée de l'Arava (désert du Néguev)[1], ceux la plaine côtière centrale du Sharon et ceux de la région de Kochav Michael dans la plaine côtière sud (qui a déjà été touchée elle aussi par la pollution par les hydrocarbures). Le chercheur a examiné en laboratoire des échantillons contenant différentes concentrations de pétrole, montrant que le spectre varie selon la densité des polluants, le type de sol et leurs propriétés chimiques.
Cartographier les polluants efficacement et à grande échelle
Pelta souligne que la spécificité de sa recherche réside dans son efficacité et son applicabilité. "A l'époque où la technologie de la télédétection a été inventée, elle était pertinente seulement pour les grandes entreprises qui pouvaient investir des sommes énormes dans la recherche des polluants", explique-t-il. "La NASA, par exemple, utilise les spectres de télédétection pour cartographier les roches sur d'autres planètes. Une partie de l'intérêt de la présente étude est que ses exigences système sont relativement faibles et que des organismes moins professionnels peuvent utiliser ses algorithmes. Il suffit de mesurer en laboratoire le spectre du matériau analysé, puis de faire décoder ses données par le capteur qui comprend ses propriétés et développe un algorithme permettant d'identifier facilement et rapidement un large éventail de matières".
De plus, le modèle permet d'extrapoler sur de plus grands espaces à partir d'un nombre relativement restreint de pixels: "Dans l'étude menée sur la région d'Evrona, nous avons créé un modèle basé sur moins de 2 000 pixels qui permettait de prévoir plus de 2 millions de pixels supplémentaires. Une fois construit un modèle basé sur une quantité relativement petite de pixels capable de les identifier et de trier leurs propriétés, il est possible de traduire ces caractéristiques en un plus grand nombre de pixels et de les décoder rapidement".
L'idée des chercheurs est de pouvoir dans l'avenir intégrer un tel capteur à un drone ou même le placer sur un satellite, dans le but de cartographier les divers polluants efficacement et à grande échelle. Pelta a construit une base de données (basée sur des photographies prises par le capteur au-dessus de la réserve d'Evrona) transmise à l'ordinateur, lequel est capable d'interpréter le spectre de chaque pixel à l'aide de techniques d'apprentissage automatique, et de produire une carte indiquant où se trouve le pétrole.
"Bien entendu, la méthode la plus sûre pour réduire la pollution par les hydrocarbures et autres polluants consiste à la prévenir à l'avance en prenant des mesures de sécurité appropriées, et en assurant leur surveillance et leur contrôle", conclut Ran Pelta. "Mais en cas de catastrophe, la nouvelle méthode développée permettra une collecte d'informations beaucoup plus étendue et efficace que ce qui est actuellement possible avec de simples tests de sol. À mesure que ces technologies évolueront, la cartographie deviendra plus largement disponible et pertinente pour les organismes environnementaux, municipaux etc., et les ressources et les environnements naturels et humains pourront ainsi être mieux protégés des dangers de la pollution par les hydrocarbures".
Photo: Chaine 12 de la télévision israélienne.
[1] La catastrophe qui s'est produite dans la nuit du 3 au 4 décembre 2014 dans la réserve d'Evrona est considérée comme l'un des plus grands désastres environnementaux de l'histoire de l'État d'Israël. Cette nuit-là, 5 000 mètres cubes de pétrole brut se sont échappés d'un pipeline endommagé de la canalisation Eilat-Ashkelon non loin de Beer Ora, et d'énormes quantités de pétrole brut se sont déversées dans les rivières de la réserve et ont gravement endommagé sa faune et sa flore.