Le Prof. Erez Etzion et les doctorants Guy Koren, Hadar Cohen et David Reikher de l’Ecole de physique et astronomie de l'Université de Tel-Aviv sont parvenu à décrire le processus de désintégration du Boson de Higgs, la fameuse « particule de Dieu », observée pour la première fois il y a une dizaine d'années. La nouvelle étude, menée dans le cadre de l'expérience ATLAS du Grand Collisionneur de Hadrons du centre de recherche du CERN offre un éclairage supplémentaire sur le fonctionnement de notre univers.
Elle a été réalisée en collaboration avec le groupe de recherche du Prof. Eilam Gross de l’Institut Weizmann et d’autres chercheurs du Grand Collisionneur de Hadrons.
Depuis sa découverte en 2012 dans l'accélérateur de particules du CERN, le boson de Higgs, qui confère leur masse à toutes les particules de l’univers (d’où son surnom de « particule de Dieu »), excite l'imagination de la communauté des physiciens du monde entier. L’observation de son comportement est susceptible de conforter le modèle standard de la physique des particules, la théorie centrale actuelle par laquelle les scientifiques expliquent le fonctionnement de la partie connue de l’univers (seulement 5% du tout, les 95% restant étant composés de la matière noire et de l’énergie sombre), ou au contraire d’ouvrir la voie à une « nouvelle physique » au-delà du modèle standard ». Les chercheurs de l'Université de Tel-Aviv, partenaires d'une étude visant à étudier le processus de désintégration de ce boson, ont découvert qu'on pouvait le caractériser d'une manière plus précise et plus complète qu'on le pensait auparavant.
Une collision sur plusieurs milliards
Le boson de Higgs, particule relativement lourde, permettant aux autres particules de s'agglutiner pour constituer des étoiles, des planètes et autres corps, peut se former lors de collisions entre protons si l'énergie du colliseur est suffisamment élevée. Immédiatement après sa formation, il se décompose en particules plus légères appelées quarks. « Il est intéressant d'étudier en quels types de particules se décompose le boson de Higgs et à quelle fréquence se produit cette décomposition », explique Guy Koren. « Pour aider à répondre à cette question, notre groupe essaie de mesurer la vitesse à laquelle le boson de Higgs se décompose en particules appelées quarks charmés ».
Les quarks sont des particules d’une certaine sorte, qui composent entre autres les protons et les neutrons du noyau atomique. Le modèle standard de la physique des particules distingue six sortes de quarks divisés en trois "générations" diverses, chacune d’entre elles comprenant une paire de quarks de type différent. La première génération comprend les quarks avec la plus petite masse: les quarks "up" et les quarks "down". La deuxième génération comprend les quarks « charmés » et « étranges », dont la masse est plus importante. Enfin, la troisième génération inclut les quarks les plus lourds, les quarks « top » (vérité) et « bottom » (beauté).
Koren souligne que la mission n’est pas simple. « Il s’agit d’un processus très rare : seule une collision sur plusieurs milliards se termine par la création de bosons de Higgs, et seulement trois pour cent des bosons de Higgs qui émergent se désintègrent en quarks charmés », explique-t-il. « De plus, il y a cinq autres types de quarks, et le problème est que tous laissent des signatures similaires dans nos détecteurs. De sorte que même lorsque ce processus a effectivement lieu, il nous est très difficile de l'identifier ».
Une nouvelle confirmation du modèle standard
Parmi toutes les collisions collectées dans l’accélérateur depuis 2012, le groupe de chercheurs de l’UTA n'a pas encore identifié suffisamment de désintégrations de bosons de Higgs en quarks charmés pour mesurer la vitesse du processus avec la précision statistique requise. Mais ils ont trouvé suffisamment de données pour déterminer la vitesse maximale du processus par rapport aux prédictions de la théorie.
Selon les chercheurs, une vitesse de désintégration supérieure à 8,5 fois les prédictions théoriques aurait pu constituer un indicateur important de remise en cause du modèle standard de la physique des particules. Au terme de l’étude, les chercheurs ont conclu avec une certitude statistique maximale qu'il n'y a "aucune chance" que ce soit le cas. La désintégration du boson de Higgs en quarks « charmés » ne s'écarte donc pas du modèle standard de la physique des particules.
« Cela peut sembler une découverte peu éblouissante » relève Guy Koren, « mais c'est la première fois qu’il est possible d’affirmer quelque chose de significatif sur le rythme de cette décomposition spécifique sur la base d'une mesure directe. C'est donc une observation très importante et significative ».
« Le modèle standard de la physique des particules prévoit que le taux de désintégration du boson de Higgs en particules différentes devrait être proportionnel à la masse au carré de ces particules », explique le Prof. Etzion. « Par conséquent, on s’attend à ce que dans la plupart des cas, il se désintègre en particules plus lourdes, et seulement rarement en particules plus légères. Pour le moment, les résultats trouvés par l'équipe confirment cette prédiction, c’est-à-dire que nous avons observé suffisamment de désintégrations en quarks lourds de la troisième génération pour confirmer leur existence et mesurer leur rythme ».
D’après les chercheurs, ce taux correspond bien aux prédictions théoriques. « Mais l’affaire n’est pas close car nous n’avons pas encore pu observer de désintégration du boson de Higgs en quarks de troisième et première génération. Et donc nous ne pouvons pas encore être sûrs que ces mêmes "règles" s'appliquent également aux quarks de ces générations », ajoute le Prof. Etzion.
« Si nous découvrions soudain que la désintégration du boson de Higgs dans ces particules se produit à une vitesse qui n'est pas proportionnelle au carré de leur masse, cela pourrait avoir des implications de grande envergure pour notre compréhension de l'univers, et en particulier sur la façon dont les particules élémentaires obtiennent leur masse».
Les bosons sont des particules dont la fonction est de servir de « médiateurs » entre les particules de la matière en exerçant des forces sur elles ; le plus connu d'entre eux est le photon, particule qui transporte la force électromagnétique. Dans les années soixante, les Prof. Peter Higgs et François Engler (qui possède depuis 1984 un statut particulier d’enseignant-chercheur à l'École de physique et d'astronomie de l'Université de Tel-Aviv) ont prédit l’existence d’un boson particulier qui confère leur masse aux particules élémentaires de notre univers. Ce n'est qu'en 2012 qu'une expérience menée dans l'accélérateur de particules du CERN à Genève (où les chercheurs israéliens ont un rôle important), a prouvé l’existence de ce boson de Higgs, qui s’est avéré comme relativement lourd par rapport aux autres particules connues. A la suite de cette découverte, Higgs et Engler se sont vu attribuer le prix Nobel de physique l'année suivante. Les physiciens ont depuis pu confronter cette nouvelle particule au modèle standard afin de voir si elle se comporte conformément au boson de Higgs théorique. Jusqu'ici, c'est le cas.
Construit dans un tunnel circulaire de 27 kilomètres de circonférence, le Grand collisionneur de hadrons (en anglais Large Hadron Collider – LHC) est le plus grand et le plus puissant accélérateur de particules au monde. Deux faisceaux de particules à haute énergie y tournent à une vitesse proche de celle de la lumière dans deux tubes jumelés, dans lesquels des aimants les dirigent vers quatre points d’intersections où ils entrent en collision, formant de nouvelles particules, observées au moyen de huit détecteurs, dont quatre de très grande taille. Il permet ainsi aux physiciens d'étudier des particules instables qui ne peuvent pas être observées directement. C’est le plus grand dispositif expérimental jamais construit pour valider des théories physiques.
Photos:
1. Simulation visuelle d'une collission à l'intérieur du détecteur ATLAS.
2. L'équipe de recherche au moment de la découverte: le Prof. Erez Etzion (en haut à droite), et Guy Koren (à gauche au milieu), de l'Université de Tel-Aviv, Jonathan Sholi de l'Institut Weizmann (en bas à droite)
3. Le détecteur ATLAS
4. Des étudiants du Département du Département de physique et astronomie de l'Université de Tel-Aviv en visite au CERN.
(Crédit: Universit é de Tel-Aviv)
FONDS DE SOUTIEN D’URGENCE
Créé par l'Université de Tel-Aviv pour ses étudiants
Touchés de plein fouet par la crise économique due au Covid19, des milliers d’étudiants ont perdu leur emploi et ne peuvent plus subvenir à leurs besoins.
Pour les aider, contactez-nous :
En France: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Tél. : 01 40 70 18 07
En Israël : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Tél. : 03 640 67 80