Une étude réalisée sous la conduite des Prof. Ady Arie et Lev Shemer de la Faculté d’ingénierie de l’Université de Tel-Aviv, en collaboration avec des chercheurs allemands et américains, montre pour la première fois qu'il est possible de « focaliser l'obscurité », c'est-à-dire de concentrer des ondes en un point de l'espace où l’intensité lumineuse sera minimale, tout comme on peut faire converger les rayons lumineux en un seul point brillant, par exemple au moyen d’une lentille convergente ou d’un miroir sphérique. Selon les chercheurs, la maîtrise de ce phénomène permettra de nouveaux développements technologiques dans les domaines de l'optique et de l'acoustique.
L’étude a été réalisée par le doctorant Georgi Gary Rozenman de la Faculté des sciences exactes de l’UTA, en collaboration avec le Dr. Manuel Rodriguez Gonçalves de l'Université d’Ulm, les Prof. Maxim Efremov et Wolfgang Schleich et le Dr. Matthias Zimmerman du Centre aérospatial allemand (DLR), et le Prof. William Case du Grinnelle College dans l’Iowa aux Etats-Unis. Elle a été publiée dans la prestigieuse revue Applied Physics B.
L'obscurité au bout du tunnel
Les ondes électromagnétiques, les ondes de matière et les ondes de gravitation peuvent être concentrées dans une petite zone focalisée dans l'espace, phénomène connu sous le nom de focalisation lumineuse. C’est le principe à partir duquel fonctionnent les divers dispositifs optiques, y compris les lentilles, les télescopes, les caméras, les microscopes, les loupes et même l'œil humain. Au cours de travaux antérieurs également effectués dans le laboratoire du Prof. Ady Arie, détenteur de la chaire de nanophotonique de la Faculté d’ingénierie de l’UTA, avec certains des partenaires de la nouvelle étude, et qui avait abouti notamment au développement d’un nouveau type de guide à ondes, les chercheurs avaient montré que l’on peut effectuer cette focalisation même sans lentille, lorsque la lumière ou tout autre type d’onde passe au travers d’une rainure étroite et se concentre dans une zone lumineuse.
« Le phénomène de la focalisation est généralement lié à une augmentation de l’intensité lumineuse dans une zone limitée de l'espace, comme c’est le cas de la lumière traversant une lentille », explique le doctorant Georgi Gary Rozenman. « Ici nous avons essayé de faire le contraire, c'est-à-dire d’abaisser pratiquement à zéro la quantité de lumière dans un certain point de l'espace. Le phénomène que nous avons découvert lors de cette expérience et que nous avons théorisé de manière approfondie, est appelé focalisation diffractive sombre. Il comprend une concentration des ondes en un point de l'espace, mais contrairement au cas de la focalisation lumineuse, l’intensité obtenue est minimale, tandis que dans toutes les autres parties de l’espace, les ondes sont de haute intensité ».
Les chercheurs ont réalisé une analyse théorique détaillée du problème à l’aide d'outils issus de la mécanique ondulatoire et de la mécanique quantique. Ils notent qu’en théorie, ce phénomène peut également se produire sans avoir besoin d’utiliser une lentille optique pour concentrer la lumière, uniquement au moyen d’une fente. «La base du nouveau principe de fonctionnement que nous avons décodé est que sur une moitié de la fente l’onde sera « retardée », alors que dans l'autre moitié, elle passera directement », ajoute Rozenman. « Dans le cas des ondes optiques par exemple, on peut obtenir un tel délai en recouvrant la moitié de la fissure d’une fine plaque de verre. Dans notre expérience, nous avons utilisé une idée similaire, mais pour des vagues d’eau ».
Pas seulement l'opposé de la focalisation lumineuse
Rozenman décrit la deuxième phase de l'étude, qui a également permis de constater ce fascinant phénomène dans le cas d’ondes gravitationnelles à la surface de l'eau : «Nous avons créé un réseau d’ondes gravitationnelles de surface dans une piscine à vagues d'environ 5 mètres de long, dans le laboratoire du Prof. Lev Shemer. Sur la base de nos prévisions théoriques, nous avons fabriqué un dispositif muni d’une fente spécifique dans l'espace- temps, et nous avons observé pour la première fois ce phénomène de focalisation diffractive sombre de manière expérimentale. En fait, nous avons réalisé que la focalisation diffractive sombre n’est pas seulement le phénomène opposé de la focalisation lumineuse, mais qu’elle possède également de nombreuses caractéristiques intéressantes par elle-même. Par exemple, nous avons vu que les emplacements des foyers d’ombre sont différents de ceux des foyers lumineux, et que la déstabilisation du système pouvait entraîner la formation de larges bandes d’obscurité »
Selon les chercheurs, ce nouveau phénomène qu'ils ont découvert aura des implications intéressantes pour la compréhension des phénomènes ondulatoires, et ses applications pourront également concerner le domaine des ondes acoustiques et électromagnétiques. « Grâce aux conclusions des expériences que nous avons menées et la théorie que nous avons construite, nous estimons qu'il sera possible de supprimer des bruits de manière ciblée ou de capturer et déplacer des particules de manière plus efficace. Bien que ce phénomène se rapporte à l’obscurité, il apportera probablement la lumière de la science sur de nouveaux phénomènes physiques », conclut Rozenman.
Photos:
1. de droite à gauche: Le Prof. Ady Arie, le Prof. Wolfgang Schleich et le doctorant Georgi Gary Rozenman (Crédit: Prof. Ram Zamir)
2. La focalisation diffractive sombre, illustration de l'étude.