Selon une étude menée par le Prof. David Sprinzak, de l'École de neurobiologie, biochimie et biophysique de l’Université de Tel-Aviv, le mécanisme impliqué dans la formation de la structure des cellules ciliées de l'oreille interne chez les embryons des mammifères est similaire à celui de l’organisation des atomes d’un cristal, processus connu en physique, mais qui n'avait jusqu'à présent jamais été identifié dans le domaine de la biologie. La découverte révolutionnaire, qui transforme les concepts fondamentaux du monde de la biologie du développement, pourrait contribuer au développement de traitements de la surdité basés sur la régénération des cellules ciliées de l'oreille.
L’étude multidisciplinaire, à laquelle ont participé les doctorants Roee Cohen et Liat Amir-Zilberstein du laboratoire du Prof. Sprinzak, le Prof. Keren Avraham de l’Ecole de médecine, et d'autres chercheurs de la Faculté des sciences exactes et de l’Ecole des Neurosciences de l'UTA, de même que des chercheurs de Suisse et du Japon, a été publiée récemment dans la prestigieuse revue Nature Communications.
Le tissu le plus ordonné de l'organisme des mammifères
«L'oreille d'un mammifère se compose de trois parties: l'oreille externe, l’oreille moyenne et l’oreille interne », explique le Prof. Sprinzak. « À l'intérieur de l'oreille interne se trouve la cochlée, structure en spirale le long de laquelle sont disposées les cellules ciliées, cellules sensorielles coiffées de minuscules filaments servant à capter les ondes sonores atteignant l'oreille. En réaction à ces ondes, les filaments se mettent en mouvement, déclenchant la libération de signaux électriques transmis aux aires auditives du cerveau, et c’est ainsi que nous entendons les sons. Les cellules ciliées sont disposées le long de la cochlée en quatre rangées, en alternance avec des cellules de soutien. Cette disposition minutieuse est importante car les différentes zones de la cochlée sont responsables de la reconnaissance des différents sons. Une disposition si bien organisée est exceptionnelle dans l’organisme ; il s’agit en fait du tissu le plus « ordonné » de l’organisme des mammifères. Nous avons recherché le mécanisme qui fait que les cellules ciliées s’organisent de cette manière au cours du développement embryonnaire. À cette fin, nous avons mené une étude multidisciplinaire combinant deux développements innovants: une nouvelle technologie d'imagerie et une simulation utilisant un modèle physico-mathématique ».
Pour suivre le développement de la struture des cellules ciliées de l’embryon, les chercheurs ont examiné des embryons de souris à différents stades de la grossesse. Dans les embryons les plus jeunes, ils ont trouvé une couche de cellules désordonnées et non différenciées, des cellules primaires dont la fonction n'a pas encore été définie. Peu à peu, les cellules ont commencé à se différencier en cellules ciliées et cellules de soutien, puis à s'organiser jusqu'à ce que la structure finale et ordonnée des cellules de la cochlée se soit formée.
« Jusqu’à présent, la plupart des études sur le développement des cellules ciliées se sont concentrées sur les processus de différenciation cellulaire, contrôlés par la communication intercellulaire », explique le Prof. Sprinzak. « Nous avons pensé que cela ne suffisait pas et avons cherché à examiner la phase de post-différenciation: comment les cellules s'organisent dans l'espace et forment une structure ordonnée ». À cette fin, les chercheurs ont développé une nouvelle technologie d'imagerie qui repose sur un microscope spécifique, et permet une surveillance continue en 3D, 24 heures sur 24, du développement des tissus, processus qui dure plusieurs jours dans les embryons de souris. Cette méthode d'imagerie unique a permis de suivre le développement de l'oreille interne et de créer des vidéos du processus.
Une conception complètement nouvelle dans le domaine de la biologie du développement
« C'est la première fois que ce processus est observé en continu et à haute resolution », poursuit le Prof. Sprinzak. « Nous avons pu observer le tissu lorsqu’il était déjà différencié en cellules ciliées et cellules de soutien, mais qui étaient encore ‘embrouillées’, c’est-à-dire pas encore organisées en une strucutre ordonnée. Notre méthode nous a permis de constater la formation dans le tissu d’un processus de physique appelé « contrainte de cisaillement ». Les cellules ciliées sont soumises à des forces de cisaillement, forces mécaniques agissant de manière parallèle à la couche cellulaire, exercées par des cellules voisines, appelées ‘cellules de Hensen’, qui se déplacent dans une direction spécifique. Ce processus comprime le tissu, provoquant des échanges dynamiques entre les cellules ciliées et les cellules de soutien, et conduit finalement à l'organisation des cellules en une structure ordonnée ».
S’appuyant sur leurs résultats, les chercheurs ont créé une simulation informatique -modèle mathématique et physique du processus. Celui-ci suggère que deux forces mécaniques principales agissent sur les cellules ciliées au stade de leur organisation: les contraintes de cisaillement, qui provoquent la compression et le déplacement des cellules ciliées dans le tissu, et des forces répulsives entre les cellules ciliées elles-mêmes, qui les empêchent de se rapprocher trop l'une de l'autre. «Nous avons été surpris de constater que le processus d'organisation des cellules ciliées dans la cochlée est très similaire à un processus physique familier: celui de l'organisation des atomes lors de la formation d’un cristal », commente le Prof. Sprinzak. « Tout comme les atomes réagissent à des forces externes qui leur sont appliquées en formant un cristal ordonné, les cellules ciliées et les cellules de soutien s’organisent en structure ordonnée en réaction aux forces mécaniques qui leurs sont appliquées. Il s'agit d'une conception complètement nouvelle dans le domaine de la biologie du développement. Les conséquences qui émergent de nos recherches ouvrent une nouvelle direction pour les recherches futures, également en ce qui concerne les processus de développement d'autres organes ».
Le Prof. Ronen Peretz, Directeur de l'unité d'autologie et du centre d'implants cochléaires du centre médical Shaare Zedek affilié à la Faculté de médecine de l'Université hébraïque, qui n'a pas participé à l'étude, note que ces résultats peuvent également avoir des implications médicales: « Les cellules ciliées se forment chez le fœtus, et ne se renouvellent pas au cours de la vie. Dans de nombreux cas, les phénomènes de perte d'audition et même de surdité résultent de la mort des cellules ciliées de l'oreille interne. Ces dernières années, de nombreux efforts ont été faits pour développer des traitements utilisant la thérapie génétique pour favoriser la régénération de ces cellules, afin d'améliorer la capacité auditive des personnes malentendantes. Cette étude est susceptible de fournir une contribution importante pour la compréhension du processus de création de ce renouvellement ».
Lien vers l'article:
https://www.nature.com/articles/s41467-020-18894-8
Photos:
1. Le Prof. David Sprinzak (Crédit: Université de Tel-Aviv).
2-3. Visualisation de l’oreille interne (Crédit: Université de Tel-Aviv).
FONDS DE SOUTIEN D’URGENCE
Créé par l'Université de Tel-Aviv pour ses étudiants
Touchés de plein fouet par la crise économique due au Covid19, des milliers d’étudiants ont perdu leur emploi et ne peuvent plus subvenir à leurs besoins.
Pour les aider, contactez-nous :
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Tél. : 01 40 18 07 ou en Israël : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. Tél. : 03 640 67 80