Deux hommes sur trois seraient prêts à aider financièrement une femme dont la maison a brûlé, mais seulement 45 % une femme dont l'entreprise a brûlé. La tendance s’inverse lorsque le bénéficiaire est un homme. C’est ce que dévoile une étude menée par le Prof. Danit Ein-Gar de l’Ecole de gestion de l’Université de Tel-Aviv, examinant le comportement d'aide selon les sexes, publiée sous le titre : « Je vais vous aider à survivre mais pas à prospérer : les décisions d’aide dans des situations qui renforcent l’autonomie des femmes ». Conclusion de l’étude : les hommes sont moins susceptibles d'aider les femmes dans des situations qui les autonomisent et remettent en question la hiérarchie des sexes existante.
Les résultats de l’étude, réalisée en collaboration avec le Dr. Orli Barkat, post-doctorante à l'Université de Princeton, et le Prof. Tahila Kogot de l’Université Ben Gourion du Néguev ont été publiés dans la prestigieuse revue Group Processes and Intergroup Relations.
Selon les chercheuses, les théories antérieures et les travaux empiriques sur les différents rôles des sexes dans les comportements prosociaux, notamment l’aide à des personnes inconnues en difficulté, indiquent que les femmes ont tendance à faire montre de soutien émotionnel, tandis que les hommes tendent à adopter des attitudes « chevaleresques » de type héroïque sous forme d’un soutien protecteur aux femmes « en détresse ».
Les femmes moins «sexistes»
« Cependant, la question de savoir si la chevalerie masculine envers les femmes s'étendrait à des situations où leur aide peut rendre ses bénéficiaires féminines plus autonomes reste ouverte », indiquent les chercheuses. « En nous appuyant sur les recherches dans le cadre de la théorie de la dominance sociale, selon laquelle les membres d’un groupe dominant ont tendance à renforcer les hiérarchies sur lesquelles il repose, en réponse à des situations qui les perturbant, nous soutenons que la tendance des hommes à venir en aide aux femmes est susceptible d'être plus limitée quand elle risque de saper leur propre position dans la hiérarchie existante ». En d'autres termes, si l'aide rend les femmes plus autonomes, les hommes seront moins disposés à les aider.
Pour tester cette hypothèse, les chercheuses ont recruté un échantillon de 566 hommes et femmes américains qui ont participé à une expérience dont le but était d’examiner le processus de décision des donateurs sur les plateformes de don en ligne. Les participants devaient prendre part à un tirage au sort grâce auquel ils pourraient gagner un prix de 10 $ ; puis on leur a demandé s’ils voudraient donner ce montant à un homme dont la maison a brûlé, à une femme dont la maison a brûlé, à un homme dont l’entreprise a brûlé ou à une femme dont l'entreprise a brûlé.
Deux études ont été menées : dans la première, les quatre questions ont été assignées au hasard séparément à chaque participant ; dans la seconde, elles étaient présentées simultanément, les participants pouvant alors évaluer comparativement leur choix.
Les limites de la « chevalerie » masculine
Comme prévu par les chercheuses, les résultats ont révélé que lorsque les participants masculins répondaient à un appel au don dans un contexte commercial, ils donnaient des montants inférieurs à une femme bénéficiaire (2,48 $) et à un homme bénéficiaire (3,66 $). En revanche, dans un contexte domestique (la maison qui brûle) les participants masculins ont donné des montants similaires aux bénéficiaires féminins. Ils ont donc donné des sommes inférieures à ces dernières lorsque la demande de don était dans un contexte commercial par rapport à un contexte domestique. Les femmes participantes en revanche, ont donné la même chose dans tous les cas. La deuxième étude a confirmé les résultats.
« Nous avons présenté aux participants deux demandes d'aide identiques de deux personnes dans le besoin, un homme et une femme, dont la maison ou l’entreprise a pris feu », commente le Prof. Ein-Gar. «Nous avons constaté que les plus grandes différences, à la fois concernant la volonté de faire un don et le montant de celui-ci, se produisaient lorsque les sujets masculins devaient choisir entre participer au financement de la reconstruction de la maison d'une femme et de son business. Il faut relever que nous n'avons pas présenté la demande de fonds comme un investissement financier mais comme un don. Le contexte était un incendie qui a fait rage dans la region, détruisant des maisons et des magasins, les personnes dans le besoin demandant de l'aide pour reconstruire leur vie. Lorsqu'on a demandé aux hommes de faire un don, certains d'entre eux ont trouvé plus facile de le faire à une femme dans le contexte de sa maison, nécessiteuse et faible, qu'à une femme qui collecte des fonds pour reconstruire son entreprise ».
« Notre recherche révèle les limites de la « chevalerie » masculine, fixées par l'hégémonie des hommes dans le monde des affaires », conclut le Prof. Ein-Gar. « C'est-à-dire que la « gentillohommie » va jusqu’au point où elle ne menace pas leur statut dominant. En revanche, cet effet n’a pas joué lorsqu'on a demandé aux hommes de faire un don à un autre homme dont l'entreprise a brûlé, par rapport à un homme dont la maison a brûlé. Cela signifie que les hommes ne donnent pas moins aux entreprises en raison d'une menace commerciale, mais donnent moins seulement aux entreprises des femmes».
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Le Prof. Danit Ein-Gar (Crédit: Université de Tel-Aviv)