Hier 7 novembre, l'Université de Tel-Aviv a commémoré la mémoire des victimes assassinées lors des massacres du 7 octobre perpétrés par le Hamas. La cérémonie s'est déroulée dans l'auditorium Smolarz de l'université où sont exposées les photos des personnes kidnappées, disparues ou assassinées depuis cette date, ainsi que celles des membres de la communauté de l'UTA tuées pendant ces évènements, ou tombées au combat pendant la guerre "Epées de fer". Après le discours du Prof. Ariel Porat, Président de l'Université, le Prof. Meir Ariel de la Faculté d'ingénierie, a fait le récit de l'assassinat de son fils Dan, pendant l'attaque de la Rave party dans le sud du pays.
La cérémonie a débuté par une minute de silence en mémoire des victimes.
« Près de 50 familles de la communauté de notre Université ont été touchées d'une manière ou d'une autre par la terrible catastrophe qui a frappé l'Etat d'Israël. Notre cœur est avec elles, leur douleur est insupportable », a déclaré le Prof. Porat.
« Il y a des actes pires que le meurtre »
« Il y a un mois, s'est déroulé la plus grande catastrophe jamais arrivée à l'Etat d'Israël, en fait la plus grande catastrophe vécue par le peuple juif depuis la shoah. Un massacre odieux, de 1 400 hommes femmes, enfants, nouveau-nés, 240 personnes kidnappées, y compris des bébés, des enfants et des personnes âgées, et bien sûr les soldats de Tsahal tombés à la fois pendant ce même terrible shabbat, et les jours suivants ».
« Nous avons tous êtes élevés dans le respect du caractère sacré de la vie humaine. L'acte le plus horrible que nous puissions imaginer est le meurtre. Mais ce que nous avons appris des horreurs perpétrées contre nous par le Hamas, c'est qu'il y a des actes pires que le meurtre. Torturer des personnes, les brûler vivantes, assassiner des enfants devant leurs parents et des parents devant leurs enfants, égorger, couper des membres de personnes encore vivantes, voilà des comportements bien pires que le meurtre. Il est difficile d'imaginer de tels actes, et de croire qu'ils ont pu se dérouler à l'époque où nous vivons. C'est pourtant ce qui s'est passé ».
« Les assassins du Hamas ont inventé une autre torture, celle des personnes kidnappées. Nous avons tous des enfants, petits-enfants, des parents, des frères et des sœurs. Chacun de nous peut imaginer ce qu'il ressentirait si une personne si proche de lui se retrouvait en captivité à Gaza, en particulier des enfants, dont certains enlevés après avoir vu leurs parents assassinés devant leurs yeux. Le devoir moral de l'Etat d'Israël envers les otages et leurs familles est le plus haut devoir imaginable, et je veux croire comme nous tous que l'Etat d'Israël fait et fera tout ce qui est en son pouvoir pour les ramener à la maison ».
« Tu effaceras le souvenir d'Amalek de sous les cieux »
« A la suite de ces évènements terribles, Israël est entré en guerre contre le Hamas. Souviens-toi de ce que t'a fait Amalek à ta sortie d'Egypte, nous dit le Deutéronome. Vient ensuite l'ordre divin donné au peuple d'Israël : Tu effaceras le souvenir d'Amalek de sous les cieux. Tu n'oublieras pas. Ainsi devons-nous nous conduire avec le Hamas, et je suis convaincu que c'est ce que fera l'Etat d'Israël ».
« Dans la guerre que nous menons à présent, des soldats et des soldates sont tués, parmi les meilleurs de nos enfants, y compris ceux des membres de notre communauté de l'Université de Tel-Aviv. Chaque soir, sont publiés les noms des soldats et des soldates tombés, notre cœur se serre, notre estomac se retourne. Nous les pleurons tous. Leur héroïsme, leur sacrifice, fera encore longtemps parler d'eux. Que la mémoire des personnes assassinées et tombées au combat soit bénie, et que les otages reviennent le plus vite possible au sein de leurs familles ».
« Dan était notre cinquième fils », raconte le Prof. Méïr Ariel. « Il était différent de tous les autres. Ses frères l'appelaient "le petit délinquant" ; moi je trouvais ça un peu vexant, j'aimais mieux "fleur sauvage". Après son service militaire dans une unité combattante, il est parti voyager en Amérique du Sud. Revenu il y a deux mois, il s'est inscrit à l'université, puis est parti participer à la Rave Party, avec trois de ses amis, Dan, Omer et Ron, avec qui il avait fait son service militaire ».
Assassiné par le Hamas
« Samedi matin à 6h30, nous nous sommes réveillés, comme tout le pays, au son des sirènes. Nous avons tout de suite téléphoné à Dan. Il avait l'air d'avoir les choses en mains, c'était un garçon énergique qui n'aimait pas les bavardages inutiles. "Nous partons d'ici en vitesse", m'a-t-il dit. Lui et ses amis sont montés dans la voiture, et sont parvenus à prendre la route malgré le chaos créé par l'attaque. Mais ils l'ont probablement fait trop vite, et tous trois ont rapidement dû chercher refuge dans un abri public près de la base militaire de Reïm ».
« Le Hamas est arrivé environ un quart d'heure après. Ils ont lancé des grenades sur l'abri et leur ont tiré dessus. Dan a été le plus gravement blessé, au visage, et a perdu beaucoup de sang, Omer a été touché surtout aux jambes, et Ron, qui était en meilleur état, a été kidnappé. C'est ce que nous avons su par la suite. Nous avons commencé à l'appeler dès 7h. du matin. Le téléphone ne sonnait pas, ce qui nous a donné un peu d'espoir car nous avons pensé qu'il se trouvait peut-être dans un endroit protégé. Par la suite il s'est avéré que Dan et Omer ont continué de perdre du sang pendant cinq heures. Nous avons retrouvé ensuite dans leurs téléphones plusieurs appels au secours à la Maguen David Adom restés sans réponse ».
« Ils sont donc restés là pendant cinq heures, pensant être à l'abri. Mais à 12h, les brutes du Hamas sont revenues pour les éliminer, cette fois à mains nues, car ils n'avaient plus de balles. Dan était probablement déjà plus ou moins inconscient, Omer lui a dit de faire le mort en se couchant le visage sur le sol, mais il a dû bouger, et ils ont vu qu'il était vivant. Ce qui s'est passé ensuite nous l'avons su après par le témoignage d'Omer ».
« Le temps ne guérit rien »
« A 12h30 nous avons reçu un appel d'Omer hospitalisé à l'hôpital Soroka, près de Beer Sheva, et nous avons eu un espoir. Il ne savait pas exactement, il avait été évacué à l'hôpital, il y avait des soldats, et apparemment ils avaient aussi évacué Dan. Toute la famille s'est alors répartie à travers les hôpitaux du pays. Nous avons attendu jusqu'au soir, à l'affût de toute bribe d'information. Beaucoup de corps arrivaient, anonymes au début, mais identifiés peu à peu grâce à leur carte d'identité, ou au téléphone qu'ls avaient dans leur poche. C'était très pénible. Le soir, alors que nous n'avions toujours pu localiser Dan dans aucun hôpital, je n'étais plus très optimiste. Ma famille avait encore de l'espoir, mais moi j'ai commencé à faire le deuil de mon fils. Le témoignage d'Omer était cohérent. Pendant trois jours nous n'avons eu aucune information. Puis, ont défilés les clichés habituels : mardi matin, les coups frappés à la porte … et puis la shiva, les banalités d'usage… ».
« 30 jours sont passés. Le chagrin ne fait qu'augmenter. Mais bizarrement, nous sommes tous retournés au travail, plus déterminés et concentrés ; nous faisons du volontariat… en pleurant toutes les 50 minutes. C'est notre nouveau mode de vie. Nous pourrons continuer comme cela pendant des années. Le temps ne guérit rien, mais cela ne diminue en rien notre capacité de continuer à tout faire pour le peuple d'Israël, pour les otages, et pour soutenir les familles endeuillées ».
« La douleur est insupportable, et pourtant nous devons la supporter », a déclaré pour sa part Danielle Zilber, présidente de l'Association des étudiants. « Le fait même que nous soyons présents ici, plusieurs centaines de personnes, peut-être un millier, de la communauté du campus, prouve notre résilience. Des centaines de milliers de nos citoyens servent en ce moment comme réservistes, 600 de nos étudiants sur le front. Nous sommes encore en guerre, et nous n'avons pas le privilège de nous briser. Nous devons rester ensemble, parler les uns avec les autres, nous soutenir, nous aider mutuellement, car nous ne parviendrons pas à surmonter cette épreuve autrement. Nous avons survécu à la Shoah, nous survivrons aussi à cela, tous ensemble ».
La cérémonie s'est terminée par le chant de la Tikva, par Maya Balili, étudiante de l'Ecole de musique.
Photos :
1. Le public se receuillant pendant la minute de silence
2. Le Prof. Ariel Porat
3. Le public allumant des bougies de commémoration
4. Le Prof. Meir Ariel
5. Dan Ariel
(Crédit : Université de Tel-Aviv)